Furibardes, Anne Gosztola (02/06/2022)

Furibardes, Anne Gosztola

Ecrit par Patryck Froissart 11.11.13 dans La Une LivresLes LivresCritiquesRomanLes Contrebandiers

Furibardes, juillet 2013, 195 pages, 15 €

Ecrivain(s): Anne Gosztola Edition: Les Contrebandiers

Furibardes, Anne Gosztola

 

Deux femmes, épaule contre épaule, déambulent dans une galerie d’art.

Le lecteur, en leur compagnie, va de tableau en tableau, et lit, à chaque arrêt sur image, le commentaire du narrateur-guide.

Chaque œuvre décrite est mise en relation avec un épisode de la vie de l’une, ou de l’autre.

Deux femmes que rien, ni leur origine, ni leur milieu social ne prédestinait à se rencontrer, à se découvrir, à s’aimer.

Leurs trajectoires, initialement distantes, se croisent pourtant, rapprochées l’une de l’autre par leur commune passion pour la peinture.

« Elles ne se quittèrent plus… Jamais elles n’évoquaient leur passé et très rarement leur vie privée ; nul besoin, la peinture remplissait le silence ».

Page après page, bribe par bribe, se dévoilent, en discontinu, en alternance, des fragments de l’existence antérieure de chacune de ces femmes, Léa, Sophie, deux destins dont la mise en parallèle fait émerger les similitudes : enfance brisée, révoltes, souffrances, quête éperdue d’amour, besoin de reconnaissance de l’être, de la personne, de l’identité.

Ames à vif !

Leurs relations avec les hommes, avant puis après leur rencontre, sont jalonnées d’espoirs, de passions, de désillusions, de ruptures, de querelles, de violences, chaque conquête se transformant immanquablement en désastreuse bérézina.

Cœurs à vif !

A partir du point de jonction de leurs destins, leurs lignes de vie se mêlent, s’intriquent, se heurtent, puis s’opposent, se séparent, jusqu’à se rejoindre à nouveau au moment extrême de la mort de Léa.

En effet, quelque temps après le début de leur amitié, vite suivie de leur cohabitation et de leur coexistence, Léa apprend « son cancer ».

D’abord refus du diagnostic, puis nouvelle révolte, contre la maladie, contre les médecins, contre la vie, contre l’amour, contre la mort, contre l’amant, contre l’amie, contre la bête immonde qui lui dévore les entrailles.

« Elle ne m’aura pas, la salope ! Ce démon, ce déchet tant maintenu dans mes tréfonds que maintenant il s’y est développé et va et vient sans se préoccuper d’être convié ou non, glisse et ondule la peur ce serpent dans mes veines et mes canaux… »

Corps à vif !

Corps qui se tordent, se déforment, se défont, se disloquent sur la toile, sous les traits rageurs du pinceau.

Le ton est acerbe, la composition est hachée, l’expression est belliqueuse, la syntaxe est, souvent, volontairement, agressée, rompue, violée, riposte à cette déliquescence agressive et progressive du corps, que refuse âprement Léa. On saute abruptement d’une voix narratrice à une autre, de Sophie à Léa, de Léa à un narrateur extérieur, sans avertissement, et les visions s’entremêlent, reflet voulu de la confusion dans laquelle se trouvent les deux personnages et représentation lucide de l’incohérence du monde qui les entoure.

Phrases à vif !

Livre à vif, dont la lecture, en soi poignante, prend une réalité douloureuse quand on sait qu’Anne Gosztola l’a écrit alors qu’elle se battait contre son propre cancer.

 

Patryck Froissart

 

 

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