La conscience de l’Absolu, Aphorismes et enseignements spirituels, Frithjof Schuon (30/06/2022)

La conscience de l’Absolu, Aphorismes et enseignements spirituels, Frithjof Schuon

Ecrit par Patryck Froissart 18.06.16 dans La Une LivresLes LivresCritiquesEssais

La conscience de l’Absolu, Aphorismes et enseignements spirituels, Éditions Hozhoni, mars 2016, compilation réalisée par Thierry Béguelin, 130 pages, 12 €

Ecrivain(s): Frithjof Schuon

La conscience de l’Absolu, Aphorismes et enseignements spirituels, Frithjof Schuon

La composition originale de cet ouvrage permet soit de lire de façon linéaire chacun de ses chapitres soit de l’utiliser comme une sorte d’encyclopédie, en choisissant de s’intéresser dans le désordre aux thèmes auxquels réfèrent les titres comme à autant de rubriques philosophiques.

Ces titres, réduits à la plus simple expression, constitués dans presque tous les cas par la juxtaposition sans copule ni virgule de deux notions, annoncent la problématique débattue dans chacun des articles, par exemple :

Absolu  Transcendance

Sérénité  Mesure

Bonheur  Beauté

Orgueil  Vertu

Grâce  Epreuve

etc…

Des fragments ainsi classés sous la forme de versets ou, comme le précise le sous-titre, d’aphorismes, se dégage par-dessus tout le nimbe de spiritualité mystique dans lequel baigne, naît et se nourrit la pensée de Schuon, ce qui n’induit évidemment pas que l’ouvrage ne s’adresse qu’aux seuls lecteurs croyants.

L’Absolu, pour Schuon, c’est Dieu. Ce postulat primordial, présenté comme une certitude, est le fondement non seulement de toute sa réflexion philosophique mais aussi de la règle qui oriente et gouverne, minute après minute, toutes les pensées et toutes les actions de sa vie, en dépit des contingences du quotidien, en prévision, et en préparation de sa ré-union définitive avec Dieu, laquelle s’opérera inévitablement après la mort.

« La vie terrestre n’a de valeur qu’en vue de la vie céleste ».

Pour y parvenir, l’homme doit se tourner vers soi, retrouver sa propre unité, et se détourner, autant qu’il peut, de la « dispersion du monde » (Sérénité Mesure).

La chose, admet l’auteur, n’est pas facile, « car l’homme possède essentiellement deux dimensions, une extérieure et une intérieure ».

Il ne peut échapper à sa nature sociale.

Il lui faut rechercher l’équilibre qui lui permette de vivre son extériorité tout en préservant et en cultivant l’intériorité qui le relie à Dieu.

Il n’ignore donc aucunement son prochain. Au contraire, il a une mission à remplir durant son transit terrestre :

« Se sauver et amener d’autres à se sauver, c’est là toute notre vocation ».

L’une des clefs qui ouvre la porte de la voie vers Dieu, et vers la grâce, est évidemment la prière, Schuon considérant que la capacité qu’a l’homme de prier est en soi un don divin. L’auteur ne craint pas d’affirmer la relation personnelle intime que chaque homme peut entretenir avec Dieu en précisant que la prière est un moyen d’obtenir de lui des « faveurs particulières ».

Schuon ne craint pas le paradoxe. L’absolu déterminisme qui découle de sa conviction que tout est régi et prévu par Dieu n’empêche pas de considérer que l’homme possède sa propre volonté, celle-ci n’étant cependant que la manifestation de la volonté divine…

Toujours est-il que « n’est sauvé que celui qui a confiance en Dieu ». Est-ce à dire que l’existence d’hommes sans foi répond à un dessein divin ? A chacun de trouver sa réponse.

Il peut paraître contradictoire d’une part de situer l’essence de l’homme dans l’esprit et le souffle divins et de ne lui reconnaître d’existence véritable que régie par la croyance et la confiance absolue en Dieu, et d’affirmer d’autre part que « la prérogative de l’état humain, c’est l’objectivité ». L’auteur réussit pourtant à rendre conciliables le subjectif et l’objectif.

Pour Schuon, quoi qu’il en soit, l’homme a reçu le don d’associer les contraires pour en faire une vérité, d’unir les forces opposées en LA force qui lui permet d’aller vers Dieu, de contraindre la dualité en l’Unité qui constitue cet Absolu dont il a au fond de lui la conscience innée.

Sa conscience de l’immanence du divin dans le macrocosme de l’univers et dans le microcosme de l’humanité n’empêche pas l’auteur, ici et là, d’exprimer sa vision de la société et de sa possible évolution vers un monde meilleur.

« Il n’est pas possible de réformer l’humanité ; il faut se réformer soi-même et ne jamais croire que les réalités intérieures sont sans importance pour l’équilibre du monde ».

Alors que nous avons l’impression que tout va de plus en plus mal, il peut être réconfortant de lire que « dans le monde, le bien l’emporte sur le mal, en dépit des apparences parfois contraires que peut présenter telle parcelle cosmique dans telle situation existentielle… »

Au plaisir que retirera le lecteur de l’effort de réflexion qu’il sera amené à faire dans l’exercice intellectuel constant, auquel l’obligera cet ouvrage puissant, se mêlera celui de savourer une écriture argumentative formidablement claire, concise, éclatante d’intelligence, et qui, ici et là, peut s’éloigner du discours axiomatique ou dogmatique pour se faire plaisamment poétique.

Il faut saluer le travail de compilation et de classement réalisé ici par Thierry Béguelin, qui a extrait ces centaines de fragments de la somme impressionnante des écrits de Schuon et qui, cerise sur le gâteau philosophique, a inséré en annexe d’autres extraits longs destinés, précise-t-il, à « bien saisir le sens que Frithjof Schuon donne à certains termes ».

 

Patryck Froissart

 

 

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