Une sainte fille, Franz Bartelt (05/04/2022)

Une sainte fille, Franz Bartelt

Ecrit par Patryck Froissart 03.09.12 dans La Une LivresLes LivresRecensionsFolio (Gallimard)Nouvelles

Une sainte fille, Collection Folio 2€, 93 p.

Ecrivain(s): Franz Bartelt Edition: Folio (Gallimard)

Une sainte fille, Franz Bartelt

 

Quelle bonne initiative que la publication chez Gallimard de petits ouvrages dans cette série répertoriée « Folio2€ » !

Une sainte fille est le titre d’une des trois nouvelles de ce recueil, extraites de La Mort d’Edgar, œuvre plus conséquente publiée dans la collection Blanche du même éditeur.

Les personnages principaux de ces trois récits ont un trait commun : ils se caractérisent par leur relation avec autrui.

L’une, bien qu’étant, de nature, l’inverse de ce que le monde croit qu’elle est, passe, durant toute sa vie, pour ce qu’elle n’est pas, et subit de ce fait une célébrité aussi universelle que non voulue. C’est là à la fois une illustration terrible de ce que peut avoir pour conséquence la rumeur publique, et une dénonciation pleine de grinçant humour de l’un des travers les plus fondamentaux de notre société : l’hypocrisie collective.

L’autre s’évertue à être l’écrivain qu’il croit que le public en général et son épouse en particulier veulent qu’il soit, et à ne fonder en conséquence ses romans que sur des sujets qui se situent très précisément dans l’air du temps. Mais il faut « produire » toujours plus et plus vite pour rester à la mode, et le champ des thèmes à succès n’est pas infini. A court, le romancier fait de sa femme l’héroïne d’un roman vivant en la confrontant à des situations susceptibles de lui fournir les épisodes d’une nouvelle œuvre qui plaira à coup sûr. Tout en ciblant, sans nommer quiconque, les romanciers « dans le vent », et, par ricochet, le mercantilisme du monde de l’édition, Franz Bartelt élabore une nouvelle version, singulière, inversée, de « l’émancipation du personnage littéraire ».

Le troisième, habitant marginal d’un village dont toute la population lui est hostile pour des motifs développés jour après jour sur des élucubrations de piliers de bistrot, retourne la situation en annonçant le décès d’un mystérieux cadet que personne n’a jamais vu et par rapport à qui il se crée un personnage de grand frère protecteur. Il attire alors unanimement l’attention, la sympathie, l’estime et le respect. La révélation, bien plus tard, de la vérité sonnera l’heure de sa vengeance, cinglante, contre les fomentateurs de l’animosité initiale.

Figures fortes, situations originales, fins inattendues, expression crue, humour chronique, et cependant, fondamentalement, satire féroce implicite de notre époque sont les points forts de chacun des textes de ce petit volume à savourer sur la plage, dans le train, dans un hamac, assis, debout, allongé, sans se « prendre la tête » comme on dit aujourd’hui…

Franz Bartelt, de toute évidence, s’amuse à écrire, en se donnant pour gageure d’amuser, par contrecoup, le lecteur.

Le pari est réussi : à moins d’être incurablement atrabilaire, on rit.

 

Patryck Froissart

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