27/03/2022

Le ravin du chamelier, Ahmad Aboukhnegar

Le ravin du chamelier, Ahmad Aboukhnegar

Ecrit par Patryck Froissart 18.06.12 dans La Une LivresSindbad, Actes SudLes LivresRecensionsMoyen OrientPays arabesRoman

Le ravin du chamelier, Actes Sud, Sinbad, (2012), trad. de l’arabe (Egypte) par Khaled Osman, 207 p.

Ecrivain(s): Ahmad Aboukhnegar Edition: Sindbad, Actes Sud

Le ravin du chamelier, Ahmad Aboukhnegar

Il arrive qu’une caravane s’égare, et dresse le camp à proximité d’une oasis.

Il arrive que, le temps d’une veillée, les nomades et les sédentaires, refoulant leur antagonisme atavique, partagent le méchoui, dans un lieu neutre, à l’écart du douar, à l’écart de la piste.

Il arrive que les chameliers reprennent ensuite l’itinéraire ancestral en abandonnant un des leurs, pour le punir d’avoir, par étourderie, mis la troupe en péril.

Il arrive qu’un chamelon partage tout avec son jeune maître qui le consulte et tient compte de ses avis, et qu’ils fument ensemble la gôza.

« Dans quelques jours et encore moins de nuits, mon père rentrera, alors je me réveillerai de ce cauchemar ». Le chamelon hocha la tête…

Il arrive que, tout en espérant qu’un jour la caravane repasse et que lui soit rendu son rang dans la file, le chamelier adolescent, son chamelon empli de sagesse et une chamelle blessée s’installent dans un ravin sauvage où les villageois ne doivent, par tabou, jamais poser le bout du pied, et où règne, sur un monde de djinns et d’animaux des ténèbres, un couple de gigantesques seigneurs serpents.

Il arrive, évidemment, que naisse un beau roman d’amour entre le jeune chamelier, banni, solitaire, qui a pactisé avec les obscures divinités du lieu, et la fille du berger du douar, elle-même ostracisée par la communauté sédentaire.

Il arrive que le couple de nouveaux Robinsons recrée dans le ravin maudit un paisible jardin d’Eden.

Il arrive tout cela, et bien d’autres choses, dans ce récit très poétique d’Ahmad Aboukhnegar.

La narration, lente comme le cheminement de la caravane, forme des boucles, s’égare, oblige le lecteur à reconstruire régulièrement ses repères, saute du passé au présent, entrecroise ou superpose les pistes narratives, les interrompt ici et là, comme se croisent et se perdent sous l’avancée des dunes les pistes chamelières dans l’immensité du désert.

Les territoires sont délimités par la tradition, millénaire, immuable : aux chameliers l’espace infini, aux villageois le cercle clos de l’oasis, aux divinités occultes les lieux intermédiaires, que ne traversent jamais les pistes des nomades, et où les habitants du village s’interdisent de pénétrer pour y étendre leurs cultures ou y faire paître leurs chèvres.

La traduction (est-ce volonté délibérée du traducteur ?) mêle l’accompli et l’inaccompli, le passé simple et le passé composé, ce qui appuie et accentue l’impression continue d’étrangeté et facilite le voyage du lecteur dans un espace-temps où se mélangent fiction quasi-réaliste, légende, conte, mythe, rêves, hallucinations, fantômes du passé, et mirages, sur fond de l’attente nostalgique et illusoire d’un retour de la caravane.

C’est par ce chemin qu’était arrivée la caravane de son père, du temps qu’il était enfant, mais aucune autre ne l’avait emprunté depuis. Tout au long de ces années passées dans le ravin, le chamelier avait tenu à venir régulièrement s’asseoir sur ce promontoire pour guetter son père, sans jamais manquer un seul jour…

 

Patryck Froissart

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Grand-père avait un éléphant, Vaikom Muhammad Basheer

Grand-père avait un éléphant, Vaikom Muhammad Basheer

Ecrit par Patryck Froissart 04.07.12 dans La Une LivresLes LivresAsieRecensionsRomanZulma

Grand-père avait un éléphant, trad. du malayalam par Dominique Vitalyos, 2005, 136 p.

Ecrivain(s): Vaikom Muhammad Basheer Edition: Zulma

Grand-père avait un éléphant, Vaikom Muhammad Basheer

Comment est le monde selon Kounnioupattouma, la fille de la fille chérie d’Anamakkar ?

Kounnioupattouma voit tout en rose, y compris les éléphants, surtout celui de son grand-père.

En effet, lui répète-t-on à longueur de jour, son grand-père avait un éléphant ! Et pas un petit, un maigre, un efflanqué ! Non, le plus grand, le plus fort et le plus beau des éléphants : un mâle gigantesque avec de grandes défenses, qui avait tué pas moins de quatre de ses cornacs, des kafir, évidemment.

Kounnioupattouma, enfant de sucre, ornée des plus précieux bijoux, grandit sur un piédestal, symbole vivant de la réussite sociale de ses parents, au milieu de sa maison, qu’elle ne quitte quasiment jamais, parée dans l’attente du mariage que ses parents arrangeront pour elle avec un jeune homme de son rang et de sa communauté avant d’accomplir leur pèlerinage du Hadj.

Toutes les femmes qui étaient déjà venues l’examiner croulaient sous l’or. Toutes des maîtresses de grandes maisons… Certaines lui avaient ouvert la bouche pour regarder à l’intérieur si elle avait toutes ses dents…

Kounnioupattouma n’avait pas une seule dent gâtée…

L’univers, tel que le voit Kounnioupattouma est constitué de deux mondes : le sien, celui des musulmans riches, fait tout de douceur, de candeur, et de bonheur par la grâce d’Allah, Rabb-al-’Alamîn, et l’autre, celui des kafir, des infidèles, des pauvres et des dépravés.

Mais le meilleur des mondes possibles peut basculer, et, chaos ab ordine, soudain ce qui était en haut est en bas. Tous les repères sont alors à réinventer et, pour Kounnioupattouma, un nouveau monde est à construire, où elle devra trouver sa place…

En plaçant le narrateur tantôt en focalisation zéro tantôt en focalisation interne, l’auteur fait varier les points de vue, de la vision naïve qu’a Kounnioupattouma de ce qui l’entoure à celle, réaliste, d’un regard critique sur les contraintes sociales, les préjugés, et la pesanteur du communautarisme.

Ainsi voit-on évoluer peu à peu, au prix de graves crises individuelles, les représentations de Kounnioupattouma, qu’elle exprime à sa façon, avec les mots hérités de son enfance en vase clos, et celles de ses parents, que les vicissitudes quotidiennes d’une brutale et irréversible chute sociale obligent à enfreindre les règles de la tradition.

Roman d’une initiation douloureuse, d’un éveil progressif à la tolérance face à la diversité des comportements, des croyances, des superstitions dans le cercle pourtant restreint d’un petit écart de l’Inde musulmane, Grand-père avait un éléphant est aussi le récit d’un amour passionné entre deux jeunes gens qui puisent dans leur volonté de s’unir la force nécessaire et suffisante pour faire tomber les barrières.

La traduction, du malayalam (une des langues officielles de l’Inde, surtout parlée au Kerala) par Dominique Vitalyos est parfaite.

 

Patryck Froissart

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26/03/2022

Assommons les pauvres ! Shumona Sinha

Assommons les pauvres ! Shumona Sinha

Ecrit par Patryck Froissart 18.07.12 dans La Une LivresLes LivresL'Olivier (Seuil)AsieRecensionsRécitsRoman

Assommons les pauvres !, 2011, 155 pages, 14,20 €

Ecrivain(s): Shumona Sinha Edition: L'Olivier (Seuil)

Assommons les pauvres ! Shumona Sinha

Ce petit livre rapporte :

 

– qu’au Nord prospèrent des états opulents, arrogants, accapareurs, vivant en paix et vendant des armes, démocratiques et imposant leur système économique au reste du monde

– qu’au Sud, il y a des populations pauvres, humbles, spoliées, prises en étau dans des guerres intestines, subissant une dictature affirmée ou déguisée, conséquemment miséreuses

– qu’entre ces deux mondes, les routes se ferment, les frontières se renforcent, des murs s’érigent

– que du Sud vers le Nord s’écoule, malgré les barrières, un flot incessant d’hommes et de femmes, ici échappés du sous-continent indien,  qui, en échange du peu qu’ils possèdent, mettent leur vie entre les mains de passeurs dénués de tout scrupule dans l’espoir d’arriver dans l’aire où tout paraît aller mieux.

– que ceux d’entre eux qui survivent aux périls de la migration doivent se procurer, à destination, la clé qui leur permettra de sortir de la clandestinité : le statut de demandeur d’asile politique.

Tout cela, nous le savons, plus ou moins.

Shumona Sinha nous le rappelle, avec violence, avec des phrases percutantes, à quoi le verbe poétique donne une ampleur qui fait mal, qui fait honte.

Elle nous montre comment, pour tenter de décrocher le sésame, le « diplôme de réfugié politique », ces survivants doivent raconter, mais en la réinventant et en la dramatisant au possible, leur vie passée devant les fonctionnaires chargés d’examiner la recevabilité de leur demande.

« Car, les droits de l’homme ne signifient pas le droit de survivre à la misère. D’ailleurs on n’avait pas le droit de prononcer le mot “misère”. Il fallait une raison plus noble, celle qui justifierait l’asile politique. Ni la misère ni la nature vengeresse qui dévastait leur pays ne pourraient justifier leur exil, leur fol espoir de survie. Aucune loi ne leur permettrait d’entrer ici dans ce pays d’Europe s’ils n’invoquaient des raisons politiques, ou encore religieuses, s’ils ne démontraient pas de graves séquelles dues aux persécutions… »

L’intensité narrative réside dans le fait que la narratrice, tout en étant de la même origine que les exilés, est considérée par eux comme celle qui a « réussi » : elle est cultivée, elle est intégrée, son exil s’est effectué en douceur. Universitaire, elle participe en tant qu’interprète aux interrogatoires des commissions qui ont pour objectif de traquer le pitoyable mensonge, de démonter la pauvre invention, de faire émerger la piteuse contradiction dans le récit de vie, dans la description des persécutions relatées.

Les « interrogatoires », transcrits tels quels, se fichent cruellement dans le roman personnel de l’interprète, où s’entrecroisent de douloureuses interrogations sur sa place, son rôle, son statut.

La naïveté, l’incohérence, l’irréalité, l’atrocité, parfois la drôlerie involontaire des discours marquent au passage la traductrice, réceptrice, « transmettrice », mais surtout pas médiatrice. L’expression « traduire, c’est trahir » prend un sens tragique, place le personnage devant un choix cornélien. En traduisant fidèlement des propos qu’elle sait être défavorables à l’aboutissement de la requête de ses compatriotes, elle sera accusée par ceux-ci de trahison. En les transformant de manière positive à destination de ses collègues de la commission, elle trahira le pays qui l’a accueillie et qui l’a investie de son mandat d’interprète :

« Moi je titubais entre honte et irritation. Car je me souvenais moi aussi de la terre d’argile, du pays en érosion, entre les dents de l’eau féroce, de la baie vorace, de l’eau noire aux langues de Kali, la déesse cruelle, qui avalait hectare après hectare… »

Si elle est, pour ces êtres en déshérence, « de l’autre côté », elle se sent, et elle en souffre, « entre les deux ».

Le récit, en tiroirs, se situe simultanément sur trois plans : la relation ambiguë de l’héroïne avec ses frères et sœurs sans papiers, celle, non moins équivoque, qu’elle entretient avec une de ses collègues, dont la chevelure blonde symbolise la patrie d’adoption, ces deux intrigues étant cadrées dans un troisième courant narratif, celui de l’interrogatoire auquel elle est elle-même soumise de la part d’un inspecteur de police…

Le montage est efficace : le roman emporte, impétueusement.

 

Patryck Froissart

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Muss, suivi de Le Grand Imbécile, Curzio Malaparte

Muss, suivi de Le Grand Imbécile, Curzio Malaparte

Ecrit par Patryck Froissart 27.04.12 dans La Une LivresLes LivresRecensionsBiographieItalieRécitsLa Table Ronde

Muss, suivi de Le Grand imbécile. 02/2012. 224 p. 18 €

Ecrivain(s): Curzio Malaparte Edition: La Table Ronde

Muss, suivi de Le Grand Imbécile, Curzio Malaparte

 

Le savoir donne d’emblée le genre et la tonalité du contenu : une biographie satirique du dictateur, que l’auteur a commencé à rédiger en 1931, à laquelle il a travaillé de manière intermittente jusque dans les années cinquante, et qui n’a jamais été achevée.

 

Muss mêle tout à la fois l’essai politique, la satire violente, le pamphlet, et des fragments de récits autobiographiques concernant les relations personnelles, conflictuelles, entre le dictateur et l’écrivain engagé, qui fut membre et grand théoricien du Parti Fasciste Italien avant de s’affirmer comme l’un des plus farouches opposants au mussolinisme.

Dans un style flamboyant, Malaparte accumule les attaques virulentes contre le Duce et son régime, et, en parallèle, contre Hitler et le nazisme, en utilisant la dérision et la caricature.

« Mais Hitler a-t-il vraiment l’étoffe d’un grand homme ? D’après Mussolini lui-même (qui doit avoir une certaine expérience des grands hommes de son espèce), on pourrait croire qu’Hitler n’est rien d’autre qu’un homme assez gras, de taille moyenne, aux moustaches ridicules, qui marche en se dandinant, et dont la seule force consiste en sa capacité à se faire passer pour une sorte de Jules César tyrolien. Ce jugement de Mussolini serait peut-être juste s’il n’était entaché d’une pointe de jalousie. On pourrait de toute façon objecter que Mussolini aussi est un homme gras, de taille moyenne, qui marche en se dandinant, et dont la seule force consiste à se faire passer pour une espèce de Jules César à la veille de la conquête des Gaules » (page 47).

Pour Malaparte, Mussolini a dévoyé la révolution fasciste pour la seule satisfaction de son ego.

« Or, pour Mussolini, la dictature n’était que le moyen d’imposer aux Italiens l’idolâtrie de sa personne» (page 87).

La haine de l’écrivain s’exprime à son paroxysme, en des phrases à la fois lyriques et crûment réalistes, lorsqu’il relate les exactions dont il a lui-même été victime :

« Tu ne sais pas combien je t’ai haï, Muss. Combien de fois je t’ai craché à la gueule, dans ma cellule de Regina Coeli, la cellule n° 461 du 4e secteur, dans la puanteur des punaises et de la moisissure, dans l’odeur des excréments qui s’exhalait du seau… » (page 120).

Mais la mort refait du tyran un homme, devant la dépouille de qui Malaparte oublie sa haine pour déplorer la lâcheté collective :

« Ce qui comptait, c’était qu’il était un vaincu, que tous l’avaient renié, qu’ils l’avaient tué comme un chien, pendu par les pieds, couvert de crachats et d’urine, au milieu des hurlements féroces d’une foule immense qui, la veille encore, l’applaudissait, lui lançait des fleurs par les fenêtres » (page 145).

 

Le Grand Imbécile est une mise en scène burlesque de la rébellion imaginaire de la cité du Prato, chère au cœur de l’auteur, contre un Duce grotesque à qui les Pratois opposent une chatte, attachée sur les remparts selon une ancienne tradition.

Les cinéphiles y revivront l’épisode du film 1900 de Bertolucci, dans lequel le fasciste éventre d’un coup de tête une chatte pendue à un mur.

L’écriture y est d’une admirable fluidité, le texte semble avoir été rédigé d’un seul trait de plume, la charge contre le dictateur y est continue, exacerbée, soutenue par une expression ponctuée d’invocations, d’exclamations : un long cri, un défoulement, un soulagement vomitoire, libératoire, sur cinquante pages qui se lisent sans reprendre souffle.

 

Patryck Froissart

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21/03/2022

L'aiguillon de la mort, Toshio Shimao

L'aiguillon de la mort, Toshio Shimao

Ecrit par Patryck Froissart 15.05.12 dans La Une LivresJaponLes LivresRecensionsBiographieRomanPhilippe Picquier

L’aiguillon de la mort, trad. japonais par Elisabeth Suetsugu, 2012, 641 p.

Ecrivain: Shimao Toshio 

Edition: Philippe Picquier

L'aiguillon de la mort, Toshio Shimao

 

Toshio, écrivain, mène une double vie tranquille, organisée, avec d’une part Miho, son épouse depuis dix ans, et ses deux enfants Shinichi et Maya, avec d’autre part sa maîtresse, désignée tout au long du récit par le syntagme « la femme », depuis à peu près autant de temps.

Tout se passe bien jusqu’au jour où Miho lui annonce, brutalement, qu’elle sait tout.

Ce roman autobiographique commence à ce moment précis : Toshio, auteur-narrateur, est mis par Miho en face de soi au cours d’un interminable et virulent interrogatoire sur les détails les plus intimes de son adultère et sur les raisons pour lesquelles il a éprouvé pendant tant d’années le besoin de fréquenter « la femme ».

Pendant trois jours, sans répit, Miho questionne, veut savoir, tout savoir, le contraint à raconter, compter, expliquer, s’expliquer, s’accuser, s’excuser.

Toshio s’étant engagé à rompre et à ne plus jamais rien cacher, la tempête s’apaise et la vie de la famille semble reprendre son cours.

Mais Miho ne se contente pas de ce premier déballage. Bientôt elle revient à la charge, veut tout réentendre, exige des précisions sur tel point, des développements sur tel autre. Que lui a-t-il caché ? Qu’a-t-il omis ? Sur quel détail a-t-il menti ? Pourquoi a-t-il fait ceci ou cela avec « la femme », qu’il n’a jamais fait avec son épouse ?

A partir de là, les crises se répètent, le couple se déchire devant les enfants désemparés.

Dès lors Toshio découvre en Miho, qu’il aime et ne veut pas perdre, avec angoisse, puis avec épouvante, puis avec une fascination croissante, une personne nouvelle, un être parallèle, en souffance permanente, qui se complaît à le harceler, à l’épier, à contrôler ses moindres gestes, à guetter dans chacune de ses expressions, de ses paroles, de ses pensées, tout ce qui pourrait être en relation avec « la femme ».

Les disputes se multiplient ; le soupçon chez Miho, le sentiment de culpabilité chez Toshio deviennent obsessionnels. Mari et femme ne se quittent plus d’une minute, délaissent les enfants, alternent la haine et l’amour.

Chacun nourrit sa folie de celle de l’autre.

Le couple ne s’accorde bientôt plus que sur un point : ce n’est plus vivable.

Alors époinçonné par « l’aiguillon de la mort », chacun, à tour de rôle, menace de tuer l’autre, annonce son suicide, s’exécute, est retenu ou sauvé in extremis par l’autre, ou par le fils, Schinichi.

Les scènes, obsédantes, récurrentes, avec des variantes, montent en intensité, en violence, entraînent le couple et le lecteur vers une issue qui paraît, page après page, toujours plus inéluctable.

Ce tourbillon dévastateur affecte peu à peu tous les domaines de la vie quotidienne : Toshio a de plus en plus de peine à écrire (ce qui pose un intéressant problème littéraire puisque c’est Toshio qui écrit que Toshio n’écrit plus), les commandes des éditeurs se raréfient, la situation matérielle se détériore, les relations sociales se dégradent, la famille s’isole, s’enferme dans une succession continue de cris, de coups, de faux départs, de menaces de meurtre, de suicides avortés, d’examens médico-psychiatriques.

Sans esprit sain, point de corps sain : Miho maigrit, dépérit ; les enfants, mal nourris, mal soignés, pris à témoin, ballottés de ci de là au hasard des crises, vont mal.

Le lecteur, pris dans ce sordide engrenage, suit pendant une année cette hallucinante descente aux enfers, et se demande quel sera le terme de la chute : qui des deux réussira son suicide, qui des deux tuera l’autre, qui des deux finira à l’asile.

 

Patryck Froissart

 
A propos de l'écrivain
Shimao Toshio

Shimao Toshio

Né à Yokohama en 1917, Toshio s’exerce très tôt à l’écriture, mais ne fait ses véritables débuts d’écrivain qu’en 1946. Mobilisé en 1944, il vit les derniers soubresauts de la guerre comme officier dans un groupe de kamikazes. Cette expérience, celle de la confrontation quotidienne avec la mort, lui inspire ses premières œuvres, dont Shima no hate (A l’extrémité de l’île, 1946), ou Shutsukotō-ki (Chronique du départ de l’île, 1949) Elle apparaît également dans plusieurs œuvres ultérieures, parmi lesquelles Shuppatsu wa tsui ni otozurezu (De départ il n’y eut point, 1962).

Un deuxième volet de l’oeuvre de Shimao est marqué par une autre rencontre avec la douleur : la folie de sa femme, que l’auteur accompagne jusqu’au bout de la détresse. Cette expérience est relatée notamment dans Ware fukaki fuchi yori (D’un précipice si profond, 1954), et dans Shi no toge (L’aiguillon de la mort, 1960).

 

Bibliographie des œuvres de Shimao Toshio traduites en français : Ces Journées telles qu’en rêves, dans Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines tome II (NRF, Gallimard), et L’aiguillon de la mort.

16:14 Écrit par Patryck Froissart dans Les chroniques de Froissart | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | | | |  Imprimer | Pin it! |

Dans le jardin de l'ogre de Leïla Slimani

Titre: Dans le jardin de l'ogre

Auteur: Leïla Slimani

Editeur: Gallimard (NRF) 28 août 2014

Collection Blanche

215 pages

ISBN: 978-2-07-014623-9

Prix en France: 17,50€

 

Dans-le-jardin-de-l-ogre.jpg

Adèle possède tout ce qu'une jeune femme « conventionnelle » peut désirer. Elle a un mari qui l'aime, Richard, chirurgien dans un grand hôpital, statut socio-professionnel conventionnellement valorisé, et que la littérature et le cinéma conventionnels présentent comme étant celui qui attire et séduit le plus les femmes. Ils ont un enfant, un petit garçon, Lucien, que son père idolâtre de manière toute conventionnelle. Elle exerce en totale liberté le métier de journaliste, qui lui permet de voyager et de se trouver là où se fait l'actualité, un métier considéré conventionnellement comme intellectuellement intéressant, statutairement apprécié, et riche de diversité.

 

Mais Adèle n'est pas conventionnelle. Ce qui est de convention l'ennuie, puis l'agace, puis lui devient insupportable. Toutes les formes conventionnelles de contrainte sociale, familiale, professionnelle lui sont de plus en plus pénibles.

 

Ainsi Adèle aime son fils Lucien mais cet amour lui pèse parce qu'il est contraignant.

 

L'enfant contrariait sa paresse et, pour la première fois de sa vie, elle se voyait contrainte de s'occuper de quelqu'un d'autre que d'elle-même. […] Les journées à la maison lui semblaient interminables.

 

Sur fond lointain des printemps arabes de Tunisie puis d'Egypte, Adèle veut vivre son propre printemps, veut faire sa révolution. Le milieu de petite bourgeoisie dans lequel elle s'est laissée installer sans réagir par son entourage et par un enchaînement de circonstances conventionnelles ne lui va pas. Le carcan des règles établies l'étouffe. Mais peut-on se révolter ouvertement, sans risquer de passer pour une ingrate ou une folle, contre ce qui est vu conventionnellement comme une réussite sociale, peut-on se rebeller contre un confort matériel auquel les uns et les autres vous félicitent conventionnellement d'être parvenue, peut-on clamer son écœurement d'une situation que la plupart des hommes et des femmes conventionnels vous envient?

 

Alors la quête d'émancipation d'Adèle, dès l'enfance, sera silencieuse, occulte, sera essentiellement, violemment, éperdument sexuelle, et prendra la forme d'une recherche de plus en plus exacerbée de liaisons plus ou moins suivies, de dons et d'abandons de soi, adolescente, à des camarades d'école, à des adultes, puis, une fois mariée et entrée dans la vie active, à  des relations professionnelles, à des amis de son mari, à des inconnus, à une succession d'hommes qui traversent sa vie et son corps à une fréquence de plus en plus effrénée.

 

Nymphomanie? Addiction sexuelle? Désir frénétique d'auto-destruction, de suicide social? Irrépressible sentiment de ne se sentir physiquement exister aux yeux d'autrui qu'en tant qu'objet de leur plaisir? Volupté croissante à se livrer à la transgression, à savourer l'interdit, à aller au pire de ce qui ne se fait pas, jusqu'à rêver d'inceste et de nécrophilie, par réaction à la géhenne quotidienne engendrée par la prégnance des astreintes morales?

 

Elle n'avait pas envie des hommes qu'elle approchait. Ce n'était pas à la chair qu'elle aspirait, mais à la situation. Etre prise. Observer le masque des hommes qui jouissent.[...] Mimer l'orgasme épileptique, la jouissance lascive, le plaisir animal.

Comme la plupart des personnes se mettant en situation de dépendance, Adèle se trouve peu à peu aspirée dans un tourbillon de plus en plus vertigineux. Il lui en faut toujours davantage. Il lui faut aller toujours plus profondément dans la sensation de délectation morbide que lui procure son  propre avilissement.

 

Une autre question se pose alors à elle et au lecteur: cette fuite en avant, bien qu'accompagnée d'un écheveau de plus en plus complexe, de plus en plus difficile à maîtriser, de mensonges et de dissimulations de preuves pour éviter que Richard découvre sa dépravation ne cache-t-elle pas chez Adèle, de même que le désir du passage à l'acte chez une personne aux tendances suicidaires, le besoin d'être reconnue comme un être en grande souffrance?

 

Inévitablement, la vérité éclatera. Comment réagira, après la violence du choc de la révélation, le médecin qu'est Richard?

 

Le lendemain, son diagnostic était posé. Adèle était malade, elle allait se soigner.

 

Peut-on guérir du dégoût d'exister?

 

Dans le jardin de l'ogre est un roman qui arrache et qui devrait s'arracher.

 

Patryck Froissart

El Menzel (Maroc), le 1er octobre 2014

 

 

 

L'auteure:

 

Leïla Slimani, journaliste à Jeune Afrique, installée à Paris, est née en 1981 à Rabat (Maroc). 

Dans le jardin de l’ogre est le premier roman de cette jeune écrivaine marocaine.

 

 

 

 

 

 

 

 

08:15 Écrit par Patryck Froissart dans Les chroniques de Froissart | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | | | |  Imprimer | Pin it! |

02/10/2021

La More dans l'âme (extrait)

Là, ils se desséchèrent de plus belle le gosier en inspirant incessamment des nuées de fumée bleue, et ils se l’irriguèrent en s’envoyant de nouvelles gorgées de bière fraîche, et, plus tard, dans la brume du lieu d’ambiance, ils reconnurent la fille.

 

Esperanza, là, lalala, lalalala, chantonnait, yeux mi-clos, et dansait seule, autant ivre en printemps qu’ils l’avaient connue saoule en hiver.

 

Ils la halèrent au bar, la hissèrent sur un tabouret et l’y épaulèrent afin qu’elle y tînt, la surhébétèrent de bière à la pression, puis, l’étayant de leurs bras entre eux deux, chacun animé des mêmes malhonnêtes intentions, ils la tractèrent tout au long du corridor ténébreux et la remorquèrent au travers du trottoir où, éteints qu’étaient à cette heure-là les rais des réverbères, régnaient des ténèbres propices.

 

— On va où, chéri ? radotait-elle.

 

— On y va, lghzala, on y va, querida mia, vamos, tu verras ! baragouinait Jean doucement.

 

L’air frais fouetta leurs desseins et la ranima un petit peu.

 

Ils l’affalèrent sur la banquette arrière.

 

Jean s’assit auprès d’elle et lui entoura le col, qu’elle avait long, d’un bras propriétaire.

 

— On est où, chéri ? bavassait-elle en une rengaine résignée, alors que la voiture quittait à toute vitesse les remparts millénaires et s’enfonçait dans la lueur pâle et fantasmagorique semblant émaner des immenses plaines à blé qu’il fallait traverser avant d’atteindre les premières sinuosités de la route grimpant abruptement vers le marabout qui marquait l’accès aux hauts plateaux.

18:57 Écrit par Patryck Froissart dans Mes ouvrages publiés | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | | | |  Imprimer | Pin it! |

28/08/2021

Li Ann ou Le Tropique des Chimères, critique de Paule Andrau

La critique de Paule Andrau

J'ai lu votre ouvrage avec plaisir : la cruauté de la peinture du microcosme d'un lycée s'estompe grâce à la légèreté du récit éclaté, articulant sa poly-énonciation sur le personnage masculin, central. Alternant ironie et tendresse, votre écriture qui touche parfois à la trivialité bon enfant d'un "San Antonio" rejoint la quête du langage, de ses infinies déclinaisons et de ses curiosités d'un Rabelais.  

Avec quelle désinvolture - mais le romancier est roi dans son monde - vous "dégagez" les personnages importuns pour rendre votre "héros" aux émotions d'un premier amour retrouvé.

Le réseau complexe des voix féminines qui se tisse autour de "Jean Martin dit le Borain" et que domine un narrateur orchestral, me fait penser aux Bijoux indiscrets de Diderot, roman libertin et transgressif, où l'auteur, amusé, convoque, comme vous le faites, désirs, fantasmes, sensualité et passion autour du sultan Mangogul.   

 

 

Agrégée de lettres classiques et professeur de Chaire supérieure, Paule ANDRAU a enseigné en Lettres Supérieures et Première Supérieure au Lycée Masséna (Nice).
Elle est l’auteure de Violences, un livre paru tout récemment chez Maurice Nadeau (Les Lettres Nouvelles).

22/02/2021

Li Ann ou Le Tropique des Chimères, roman tragi-comique de Patryck Froissart par Noé Gaillard

De Noé Gaillard dans Daily Médias (Suisse) lien

En illustration réussie de couverture c’est la fée de la lune… On dira qu’il s’agit d’un roman contemporain et réaliste raconté de manière particulière.

Contemporain parce que nous sommes dans un grand lycée où se côtoient des personnes comme celles que l’on peut rencontrer dans la vie. Un proviseur Jean Martin dit Le Borain qui se dit Monsieur le Provisoire qui partage la vie de Michelle nantie de deux filles, ses deux adjoints : Simone l’acariâtre, et Lucas le bon bougre, Jacqueline la secrétaire principale un peu nymphomane qui veut séduire Jean et Li Ann fraîchement embauchée pour aider au surcroit de travail de la rentrée et encombrée d’un beau-père. Et ces gens-là vont vivre quelques moments particuliers. Apparemment rien de très original. Sauf si vous faites raconter ces moments par ceux qui les vivent. Cela nous donne d’abord trois manières différentes de voir un même événement. Les trois principaux raconteurs : Jean, Jacqueline et Li Ann… Comme il va de soi que ces récits manquent d’objectivité, l’auteur a rajouté un narrateur qui commente et remet les choses en place pour faciliter notre compréhension de ce qui se passe. Mais attention ! Ne lisez pas trop vite, car ce même narrateur ajoute des données. C’est ainsi que ce qui pourrait être un banal fait divers rejoint le tragique des adultères divins…

J’ai noté pour le plaisir de l’image : (c’est Li Ann qui parle du regard de Jean posé sur) « la joufflure de mes fesses. »

Idéal pour se détendre de manière non anodine et trouver quelque plaisir aux malheurs littéraires des autres. A déguster dans vos transports en commun.

Li Ann ou le Tropique des chimères
Auteur : Patryck Froissart
Editeur : Maurice Nadeau

www.maurice-nadeau.net

 

Li-Ann-ou-le-tropique-des-chimeres.jpg

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Li Ann ou Le Tropique des Chimères, roman tragi-comique de Patryck Froissart, par Serge Cabrol

Serge Cabrol dans le magazine Encres Vagabondes (lien)

Patryck FROISSART


Li Ann ou le Tropique des chimères

Pour profiter d’un peu de légèreté et d’humour en ces temps de morosité, voici un roman drôle et coquin, cocktail exotique de vaudeville et de chronique mélodramatique, qui se déroule « dans un décor tropical, dans le cadre insulaire de l'archipel français des Allobroges, à quatorze mille six cents kilomètres de la métropole, que nombre de citoyens de l'hexagone peu portés sur la géographie situent par erreur dans les Antilles mais que les initiés savent placer sur le globe à l'exact antipode des Caraïbes. » Inutile de chercher dans l’atlas.

Le livre s’ouvre sur la date du 5 avril où une cinquantaine de personnes assistent à des obsèques.
Au fil du livre cette date reviendra de temps à autre et nous en saurons alors plus sur l’identité de la personne décédée et les conditions de son décès.

Ce roman est intéressant par une construction en forme de spirale. Chaque protagoniste, y compris un narrateur, prend la parole à son tour pour relater et compléter le déroulement des événements. On suit ainsi cette histoire à partir de différents points de vue.

Le personnage principal est le proviseur d’un lycée français hors de métropole, dans une île qui produit de la canne à sucre et où culmine un « Piton de la Torchère ».
Jean Martin dit Le Borain vivrait serein et épanoui s’il n’était sans cesse soumis à des désirs qu’il peine à maîtriser. « Autant j'ai toujours su mener mon personnel masculin à la baguette, autant je me suis constamment aplati en frétillant de la braguette devant mes auxiliaires féminines. »

Quatre ans plus tôt, déjà, sa braguette – ou plutôt ce qu’elle protège – l’a amené à changer de vie. Il était alors marié avec « Tsaàzzoult, ma bien-aimée, la radieuse Amazighe qui m'avait épousé alors que j'accomplissais mon service militaire au titre de la coopération culturelle dans le royaume paradisiaque du Tajeldit. Notre vie conjugale se déroulait sous un ciel que n'assombrissait jamais le moindre nuage quand Michelle, professeure de lettres dans l'établissement, a commencé ses manœuvres d'approche. » Toujours incapable de résister, le proviseur a été surpris par sa belle Tsaàzzoult pendant l’une des torrides séances hebdomadaires avec Michelle.  L’épouse ulcérée est partie sur le champ et la professeure de lettres s’est installée avec ses deux filles sur le territoire déserté.

Quatre ans plus tard, la situation est bien partie pour se reproduire avec Jacqueline Adrian, l’assistante de direction, prête à jouer de tous ses atouts pour assiéger une forteresse si mal défendue. « Mon plan n'était pas sorcier. Les romans foisonnent qui en mettent de tels en scène. L'ensorceler sans plus tarder, l'appâter, le maléficier à hautes doses, l'hypnotiser, et me le faire mien, me le faire chien à me manger dans la main, devenir, quoi, la matrone du patron. Je me l'épouserais ! Je me l'étais juré. »

Mais un grain de sable vient enrayer la belle mécanique de Michelle, un joli grain de sable nommé Li Ann, vingt-trois ans, faussement candide, bien décidée à échapper à son quotidien chez sa mère, subissant la mauvaise humeur permanente d’un frère proxénète parfois violent.

N’ayant pu obtenir un poste budgétaire supplémentaire, le proviseur a réussi à négocier l’octroi d’un Contrat Emploi Jeune. Les dossiers ne manquent pas mais en les feuilletant, une photo attire son regard. Li Ann Chen Wong. C’est elle qu’il convoque pour un entretien d’embauche dès le lendemain.
Cette première entrevue n’est que le début d’une longue histoire parce que la jeune femme a vraiment très envie de changer de vie. « Je lui ai fait mon sourire de grande fille un peu nunuche, et ça l’a mis mal à l’aise. Ça marche toujours ! » Et un peu plus tard : « J'ai éprouvé le besoin inopportun, ou au contraire fort bien venu, de croiser et décroiser mes jambes […] J'ai bien vu qu'aussitôt ses joues se sont empourprées, que ses pupilles se sont dilatées, et que sa pomme d'Adam a été saisie d'un va-et-vient de yo-yo. J'ai regretté fugitivement, dans une bouffée de pudeur rétroactive, mon double mouvement de cuisse, et puis je me suis dit que je m'en fichais, même si un léger trouble m'est venu à la pensée qu'il avait dû voir ma culotte blanche parsemée de petits cœurs roses. Enfin, quand je me suis rendu compte que mon jeu de jambes l'avait plongé dans une évidente confusion, j'ai oublié ma propre gêne et, contente de l'effet produit, j'ai même failli récidiver. »
Il n’en fallait pas plus pour troubler l’esprit volage du fragile proviseur.

Si l’on ajoute à cela, les rivalités des proviseurs adjoints dans la gestion des personnels, la répartition des classes ou la préparation des emplois du temps, on obtient un cocktail très détonnant dont tout le monde ne sortira pas indemne ni même vivant.

Suspense et rebondissements, grandes colères et scènes torrides, séduction et jalousie, machiavélisme et fausse pudeur, les chapitres s’enchaînent avec vivacité, dans une alternance de points de vue, vers une fin dont on sait dès les premières pages qu’elle ne sera pas heureuse pour tous.
En cette période où les déplacements sont rationnés, voici une occasion inespérée de passer quelques heures sur une île lointaine où le soleil n’est pas le seul à faire monter la température ambiante. La rentrée est chaude au lycée polyvalent Antonin Artaud de l’archipel français des Allobroges et ce n’est que le début…

Serge Cabrol 
(25/01/21)

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