15/06/2022

Le règne de barbarie, Abdellatif Laâbi

Le règne de barbarie, Abdellatif Laâbi

Ecrit par Patryck Froissart 29.10.15 dans La Une LivresLes LivresCritiquesMaghrebPoésiePays arabesSeuil

Le règne de barbarie, 1980 (Préface de Ghislain Ripault), 160 pages, 13 €

Ecrivain(s): Abdellatif Laâbi Edition: Seuil

Le règne de barbarie, Abdellatif Laâbi

 

Ce recueil de poèmes est un long cri de souffrance et de révolte. Publié en 1972 alors que son auteur, le poète marocain Abdellatif Laâbi, fondateur de la revue Souffles, dépérissait et pourrissait au secret des cellules de la prison de Kenitra, livré au bon vouloir sadique des tortionnaires de Hassan II, en pleines années de plomb, Le règne de barbarie se lit avec les tripes, avec les poings serrés, avec des saccades de sanglots, durs comme du fer, qui vous montent, ligne après ligne, exploser à la gueule.

Ce recueil de colères est un long hurlement de loup blessé, aux chairs prises dans les crocs de l’arbitraire du traqueur de liberté.

Préfacé par Ghislain Ripault, autre poète, qui en 1972 était coopérant français au Maroc, Le règne de barbarie ne se lit pas, mais se vit, se chevauche, se galope comme la noire monture de l’apocalypse, annonciatrice de la fin des temps des sombres seigneurs et de l’époque des vengeances éclatantes et justes des peuples : « Il est temps de dire pourquoi je dégueule ce monde ».

Ce recueil de crachats est un long chapelet d’insultes aux visages du potentat et de ses valets de chiourme, dérisoirement armés de leurs pinces d’inquisition.

Car Abdellatif Laâbi possède le vrai pouvoir, celui face auquel la puissance souveraine devient factice, ridicule, inefficiente : Abdellatif Laâbi est détenteur de la puissance infinie du Verbe, qui traverse les murailles des geôles les plus épaisses et s’en vient gronder à celles des palais, et puis qui enfle et gonfle, jusqu’à les renverser.

« La poésie est tout ce qui reste à l’homme pour proclamer sa dignité, ne pas sombrer dans le nombre, pour que son souffle reste à jamais imprimé et attesté dans le cri ». « Ma plume est meurtrière » dit encore le poète, qui ne craint pas les bourreaux :

« A nous deux geôliers de l’espoir

Tenez !

Je vous jette mon stylo

Si vous croyez qu’il est seul l’instrument de ma colère

Brisez-le !

Je deviendrai orateur… »

Tant qu’il y aura des poètes, les dictatures auront la vie dure…

 

Patryck Froissart

 

 

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