03/07/2022

Eclats éphémères, Christophe Vallée

Eclats éphémères, Christophe Vallée

Ecrit par Patryck Froissart 01.11.16 dans La Une LivresLes LivresCritiquesEssaisIpagination

Eclats éphémères, mai 2016, 111 pages, 12,90 €

Ecrivain(s): Christophe Vallée Edition: Ipagination

Eclats éphémères, Christophe Vallée

 

Cet ouvrage du philosophe Christophe Vallée inaugure la collection Savoirs que lancent les Editions iPagination et qui vient compléter une palette déjà riche de genres littéraires (romans d’amour, nouvelles, poésie, polar, science-fiction, fantastique…).

L’ouvrage se présente comme une compilation de quarante courts articles développant chacun une notion, comme une sorte de dictionnaire philosophique comportant quarante entrées. On peut considérer les deux premières entrées (Le signe et La philosophie), comme une association de concepts formant la clé qui ouvre les textes qui suivent.

Christophe Vallée, en effet, dans chacun des articles, part du signe, de cette part du signe qui constitue le signifiant, pour cheminer, par le canal d’un discours philosophique qu’on peut tenir pour clair et éclairant, tant pour les familiers du genre que pour les néophytes, vers le signifié, ou plutôt vers un possible signifié. En ce sens, l’auteur se présente comme un lampadophore qui guide le lecteur consentant vers une lumière, ou vers des lumières, vers une vérité qui n’est toutefois jamais affirmée comme étant LA vérité.

Fondamentalement, chaque entrée est modestement une introduction, une invitation, une amorce de réflexion, une piste vers une recherche de sens, une petite lueur, un « éclat éphémère », une étincelle qu’il appartient au lecteur de transmuer en une flamme vivace. Les thèmes s’enfilent logiquement, l’un induisant l’autre, et se répondent, se complètent, correspondent, même lorsqu’ils ne sont pas consécutifs dans l’espace livresque. Ainsi L’instrument appelle L’outil, sur quoi l’auteur enchaîne bien des pages plus loin avec L’appareil, à quoi fait écho plus loin encore La machine, selon un plan défini initialement.

Un même objet technique peut être défini par plusieurs termes : un appareil électroménager peut s’appeler une machine. […] Un avion est un appareil pour le pilote, une machine pour le mécanicien, et le navigateur a affaire à des instruments de bord…

Ainsi encore, La philosophie est en réseau avec La caverne, article qui est lui-même en relation avec Les lumières, mais aussi avec Apparence, et encore avec Interprétation, et, plus loin, avec L’imaginaire.

Sur la piste de ce jeu fléché subtil auquel se livre implicitement notre philosophe, l’esprit du lecteur est aiguillé, conduit à tisser, à filer, à (se) faufiler. Au « fil » des pages, peut-on dire pour « filer » la métaphore, se dessine un patron, un modèle. On est là dans la confection tranquille, point après point, d’une façon philosophique globale. Mais si c’est du cousu main, ce n’est pas de la petite main. On est d’évidence dans la haute couture. La construction de l’ouvrage transgresse les limites de la simple réflexion intellectuelle, de l’intériorité. Christophe Vallée s’évade, vagabonde, re-situe sa pensée dans les espaces qu’il a traversés et dans les temps qu’il a vécus, et traverse l’intertexte.

Les articles L’écriture, L’imaginaire et Comme si, font ainsi référence à la littérarité de l’île Maurice, où Christophe Vallée a enseigné. L’auteur y montre comment, subjectivée par des poètes et romanciers aussi divers que Bernardin de Saint-Pierre dans Voyage à l’île de France, par Alexandre Dumas dans Georges, par Baudelaire dans A une dame créole, par Joseph Conrad dans A smile of Fortune, par Edouard Maunick, Carl de Souza, Bertrand de Robillard, Shenaz Patel et, bien sûr, par JMG Le Clezio et Malcolm de Chazal, l’île n’est pas l’île physique des géographes ni l’île humaine des sociologues, ni celle des historiens, mais une autre île, un espace romanesque, fictionnel, une « re-présentation ».

L’imaginaire littéraire de l’île Maurice est plus réel que l’île elle-même : l’île Maurice des écrivains n’est pas une carte postale au sens où Jacques Derrida parlait du cadre de la représentation. L’espace romanesque est un espace intérieur…

Comme l’écrit Malcolm de Chazal, l’écrivain recrée la carte de l’île.

L’ouvrage se lit facilement, se feuillette. Sa construction permet le va-et-vient, l’aller-retour, la relecture non linéaire. Qu’on se le dise, il existe encore en France de vrais philosophes doublés d’authentiques pédagogues ! Ce sont ces philosophes-là qui nous sont utiles. Christophe Vallée en est. Ouvrage à recommander en particulier aux lycéens, aux étudiants, et en général à tout esprit souhaitant « philosopher » sur l’homme, sur sa condition, sur sa relation à l’autre et au monde, sur sa créativité essentielle, sur sa capacité à inventer un sens aux choses, sans pour autant se casser la tête dans les méandres de pensées amphigouriques.

 

Patryck Froissart

 

 

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